Photos Michel Lefrancq
Photographe surréaliste (1916-1974)
1890 - 1930
L'ancêtre des diapositives

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Données techniques
Matériel d'occasion








Musée Duesberg Mons
Jacques Du Broeucq
1505 - 1584










Textes sur les grands photographes présentés au club

 

Brassaï

 

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Je conseille de lire le texte avant (ou en même temps) de regarder la présentation. Celle-ci n'est en effet pas commentée.

Gyula Halasz naît le 09.09.1899 à Brassó, ville de Transylvanie alors austro-hongroise qui deviendra roumaine par le Traité de Trianon en 1920. La ville compte à cette époque environ 30.000 habitants, dont 40 % d'Allemands, 40 % de Roumains et 13 % de Hongrois, elle en compte aujourd'hui dix fois plus.

Son père est professeur de littérature française et emmène sa famille à Paris en 1904-1905 pour une année et demie pendant laquelle il enseignera à la Sorbonne. Brassaï se souviendra plus tard de ce Paris encore du XIXe siècle, le Paris de Proust, avec les équipages qui rendaient dangereuse la traversée des rues. Il raconte ainsi avoir une foi perdu son chapeau qu'un attelage a réduit en miettes; une dame occupait la voiture qu'il crut être la duchesse de Guermantes. Il y vit notamment Buffalo Bill au cirque Barnum, assista à des spectacles au Châtelet, fit l'ascension de la Tour Eiffel...

De retour en Hongrie, il poursuit sa scolarité puis est inscrit à l'Académie des Beaux-Arts de Budapest. Durant la Grande Guerre, il est affecté à un régiment de cavalerie. En 1920 il part pour Berlin où il entreprend une activité de journaliste pour différentes revues et s'inscrit à l'Académie des Beaux-Arts. L'examen d'admission dure 6 mois, et après l'avoir réussi, il n'y mettra plus les pieds mais continuera à peindre et dessiner. Il prend le surnom de Brassaï , qui signifie de Brassó en hongrois.

Il part pour Paris en 1924, avec le projet de s'y consacrer à la peinture. Journaliste pour des revues allemandes (il faut bien vivre), il y mène une vie de bohème, souvent difficile. Paris à cette époque est la ville de toutes les avant-gardes, Breton vient de publier son premier Manifeste du Surréalisme, Montparnasse est en pleine ébullition artistique, Picasso est déjà un peintre célèbre qui, après ses périodes bleue et rose a inventé le Cubisme avec Georges Braque. Ce sont les Années folles. Brassaï peint et dessine. Les revues illustrées payant mieux, il demande à André Kertész, arrivé à Paris en 1923, d'illustrer ses articles. Kertész l'initie à la photographie et il se met bien vite à photographier Paris de nuit, les graffiti découverts au hasard de ses pérégrinations, le milieu artistique qu'il fréquente. Il n'a pas, et n'aura jamais de studio, travaillant toujours en extérieur, et ayant installé un laboratoire de fortune dans son hôtel.

Les années 30-33 seront déterminantes pour lui. Il a fait la connaissance d'Henri Michaux, il rencontre Henri Miller, puis Picasso, puis tout le milieu artistique parisien, Aristide Maillol, Giacometti, Matisse, Dali, Jean Genet, Breton, Léon-Paul Fargues, Prévert et tant d'autres.

Au début 1930 il fait la connaissance de Charles Peignot, principal éditeur de livres d'art parisien, par l'intermédiaire du directeur de la revue Vu pour laquelle il travaille déjà. Le projet d'un livre de photographies sur Paris se dessine alors qui paraîtra en 1933, Paris de nuit, qui connaîtra immédiatement un très grand succès. La vision de Paris qu'il donne par ses photographies s'étend sur trois niveaux : le Paris des formes et des ombres, les bâtiments, les rues, le jardin du Luxembourg, le Paris de la vie nocturne, les bars, les bals populaires, les travailleurs de la nuit, la vie mondaine aussi, en enfin le Paris des artistes avec de nombreuses photos des ateliers des peintres et sculpteurs qu'il fréquente. Miller lui donne son surnom de L'oeil de Paris dans un de ses essais, mais Brassaï dit que Robert Doisneau l'aurait tout autant mérité que lui. En 1933, Picasso lui demande de photographier ses sculptures, jusqu'alors presque inconnues, pour le premier numéro de la revue Le Minotaure, revue artistique et littéraire d'avant-garde publiée par l'éditeur suisse Skira. De cette première collaboration naîtra une amitié durable qui lui permettra de publier plus tard Conversations avec Picasso.

Les surréalistes le revendiquent comme l'un des leurs, mais il s'en défendra : "Les surréalistes considéraient mes photographies comme surréalistes car elles révélaient un Paris fantomatique, irréel, noyé dans la nuit et le brouillard. Or le surréalisme de mes images ne fut autre que le réel rendu fantastique par la vision. Je ne cherchais qu'à exprimer la réalité, car rien n'est plus surréel."

Outre les photos de nuits qui feront sa célébrité, il poursuit une recherche plus formelle de photos d'objets ou de détails de paysage urbain (borne de rue, par exemple) qui le rattache plus à la Neue Sachlichkeit (Nouvelle objectivité), mouvement apparu à Berlin dans les années 20 en réaction à l'expressionisme et qui se veut représenter la réalité sans fard.

Brassaï ne fait pas des photos, il fait des ensembles de photos. Il faut épuiser le sujet dira-t-il. Il fait une étude de moeurs. Il a une fascination pour le monde interlope des bals populaires, des maisons closes, des coulisses de la vie parisienne, de l'envers du décor. "C'est le fond authentique de Paris" dira-t-il en se référant à Villon. Il évoque la beauté du mal, citant Dostoïevski qui parle du criminel comme un être fort, qui a ses propres lois et défie la société. Cette attirance n'a toutefois rien de morbide et ses photos des maisons closes ou des fumeries d'opium, publiées en 1976 dans Le Paris secret des années 30 ne manquent pas parfois d'une certaine tendresse pour ses personnages.

Il utilise à cette époque un matériel lourd et encombrant, un appareil à plaques, et dispose lorsqu'il se déplace de 24 châssis. Il faut donc être économe et bien réfléchir avant de faire une photo, contrairement à la facilité qu'offrira plus tard le format 24x36, sans parler du numérique. C'est ainsi que se rendant à Zurich pour faire un portrait de Thomas Mann à l'occasion du 80e anniversaire de l'écrivain, quand Madame Mann se plaint de ce que la séance de la veille avec un de ses confrères qui a fait 180 prises de vue l'a fatigué, Brassaï se promène dans le parc de la propriété, au bord du lac, choisit un endroit qui lui convient, puis demande à Thomas Mann de l'y rejoindre et fait deux prises de vue en quelques minutes à la grande surprise de l'auteur. L'une des deux sera choisie par la famille comme la meilleure de toutes celles qui ont été faites lors de cet anniversaire par de nombreux photographes venus du monde entier.

Dans le portrait, Brassaï prétend que c'est une ineptie de dire à son sujet "Faites comme si je n'étais pas là" car l'attitude normale, naturelle, pour quelqu'un qui est photographié, est de regarder le photographe.

En 1945 il réalise le premier décor de théâtre photographique pour le ballet Rendez-vous de Roland Petit sur un argument de Jacques Prévert et une musique de Vladimir Kosma. Il fera ensuite les décors de En passant de Raymond Queneau (1947), D'amour et d'eau fraîche d'Elsa Triolet (1949), de Phèdre de Jean Cocteau et Georges Auric (1950).

Dès les années cinquante il travaille pour le magazine Harper's Bazaar et voyage à travers l'Europe, au Maroc, au Brésil, aux USA. Une grande exposition lui est consacrée en 1956 au Museum of Modern Art de New-York.

Il considérera toujours que la photographie est la forme d'art la plus moderne, la plus adaptée au temps présent. La photographie est plus moderne que toutes les avant-gardes de la peinture dirat-il.

Assez paradoxalement, Brassaï qui détestait la photographie dans sa jeunesse, qui n'avait jamais pensé devenir photographe, restera pour tous un des plus grands photographes européens, sinon mondiaux, du XX e siècle. Il a néanmoins également une oeuvre picturale, poétique (Histoire de Marie) et littéraire à son actif. Il a également réalisé un film de moyen métrage au Zoo de Vincennes, Tant qu'il y aura des bêtes, qui sera primé à Cannes.

Les livres de Brassaï

Paris de nuit. Arts et Métiers graphiques.
Marcel Proust sous l'emprise de la photographie. Gallimard.
Conversation avec Picasso. Gallimard.
Notes sur la photographie. Centre Pompidou.
Le Paris secret des années 30. Gallimard.
Brassaï, voyage aux Etats-Unis.
Histoire de Marie. Actes Sud.
Les sculptures de Picasso.
Les artistes de ma vie.
Henry Miller grandeur nature.
Graffiti.
Paroles en l'air.
Lettres à mes parents. 1920-1940. Gallimard.
Formes.
Moissons.
Brassaï.

Présenté au Photo-Club de Mons le 4 décembre 2008